L’intégralité de la PRESSE pour le spectacle « UN COEUR SIMPLE »

Sous format PDF: REVUE de PRESSE Un Coeur Simple 18 Nov 19

 

Les échos de la Presse…. (extraits)

 LES BLOGS  / HUFFPOST / 26/10/2018

Dans « Un coeur simple », Isabelle Andréani joue toutes les femmes oubliées du monde

L’actrice est la révélation de la saison théâtrale à Paris.

Christine Clerc Journaliste, grand reporter et auteur

« Un coeur simple », au théâtre de Poche Montparnasse, joué par l’actrice Isabelle Andréani, jusqu’à fin décembre.

Les féministes de 2018 n’ont plus qu’à aller se rhabiller ! Avec sa nouvelle « Un cœur simple », publiée en 1877, Flaubert avait déjà fait bien plus fort que tous leurs défilés, slogans et communiqués. Sans cris, sans haine, ni ressentiment, cette histoire d’une orpheline devenue « bonne à tout faire » nous dit tout des relations sociales impitoyablement codées, de la place de la femme dans la société du XIXème siècle… et trop souvent aussi, dans celle du XXIème.

L’actrice Isabelle Andréani, que l’on avait découverte en « Lisette » dans « les Jeux de l’Amour et du Hasard » de Marivaux, (Théâtre Mouffetard) puis à Avignon dans le rôle de Marthe (« L’Echange », de Claudel) a eu un coup de foudre pour cette nouvelle de Flaubert. « Quand je l’ai lue, dit-elle, j’ai pensé que si on ne l’incarnait pas, on n’aurait pas la chair du récit et l’intensité des émotions. » Elle l’a donc adaptée à la première personne « pour que l’histoire passe par la bouche de Félicité ». Et elle est devenue Félicité. Dès les premiers mots « Pendant longtemps, les bourgeoises de Pont-l’Evêque ont envié Mme Aubain de m’avoir pour servante ! » elle nous emporte. Avec pour simple décor trois planches figurant la maison de sa patronne, trois planches sur lesquelles claquent ses sabots rouges tandis qu’elle s’affaire de la cuisine à la chambre de « Madame », avant d’aller « brider les chevaux, engraisser les volailles, battre le beurre »…

L’actrice Isabelle Andréani, que l’on avait découverte en « Lisette » dans « les Jeux de l’Amour et du Hasard » de Marivaux, (Théâtre Mouffetard) puis à Avignon dans le rôle de Marthe (« L’Echange », de Claudel) a eu un coup de foudre pour cette nouvelle de Flaubert. « Quand je l’ai lue, dit-elle, j’ai pensé que si on ne l’incarnait pas, on n’aurait pas la chair du récit et l’intensité des émotions. » Elle l’a donc adaptée à la première personne « pour que l’histoire passe par la bouche de Félicité ». Et elle est devenue Félicité. Dès les premiers mots « Pendant longtemps, les bourgeoises de Pont-l’Evêque ont envié Mme Aubain de m’avoir pour servante ! » elle nous emporte. Avec pour simple décor trois planches figurant la maison de sa patronne, trois planches sur lesquelles claquent ses sabots rouges tandis qu’elle s’affaire de la cuisine à la chambre de « Madame », avant d’aller « brider les chevaux, engraisser les volailles, battre le beurre »…

En une heure quinze, toute une société défile. Avec ses bourgeois ruinés, ses paysans, ses fils de famille alcooliques, ses jeunes filles trop délicates et ses bourgeoises qui vont à la messe et à vêpres mais ont le cœur si sec que Mme Aubain, voyant Félicité inconsolable à la mort de son neveu Victor, a cette réplique agacée « Ah, votre neveu ! Un mousse, un gueux, la belle affaire ! » C’est le seul moment où Félicité, bien que « nourrie toute son enfance à la rudesse », s’avoue indignée. Mais quelques années plus tard, la découverte d’un petit chapeau d’enfant oublié dans une armoire les fera se jeter dans les bras l’une de l’autre « satisfaisant notre douleur dans une étreinte qui nous égalisait ». Car la force de ce texte ne naît pas de la révolte et des cris, mais de l’incroyable soumission de l’humble servante. Toujours en quête d’amour, Félicité a refusé les avances grossières de quelques hommes qui ne l’épouseront pas. Elle a reporté toute sa tendresse sur les enfants de sa maîtresse, Paul et Virginie « qui semblaient formés d’une matière précieuse », puis sur son neveu, embarqué pour l’Amérique. Puis enfin, sur un perroquet, abandonné par un baron voisin « élevé à la Préfecture ».

Il s’appelle Loulou. « Son corps est rouge, le bout de ses ailes bleu bordé de turquoise »… Le récit de Flaubert atteint ici au sublime surréaliste. Félicité va enfin connaître un moment de bonheur… jusqu’à ce que le perroquet meure et que Madame Aubain lui dise, lassée de la voir pleurer « Voyons, Félicité, faites-le donc empailler ! » La fin pourrait être grotesque. Elle est poignante. Car Isabelle Andreani ne réussit pas seulement à nous faire goûter chaque nuance de l’écriture de Flaubert. Belle, charnelle, sensuelle et tour à tour véhémente, rieuse, attendrie et bouleversante, les larmes aux yeux, elle est Félicité et toutes les femmes oubliées du monde. A la fin, quand elle meurt à son tour près de son cher Loulou empaillé, la salle pleure. Et applaudit à tout rompre.

En raison de son succès, le spectacle, programmé pour s’achever en novembre, est prolongé jusqu’en décembre. Courez-y ! Courez aussi voir au Théâtre de Poche « La ménagerie de verre » de Tennessee Williams, mise en scène avec sensibilité par Charlotte Rondelez. Et, au Théâtre La Bruyère, « Signé Dumas ». Xavier Lemaire, le propre compagnon d’Isabelle Andreani et le metteur en scène de son « Un Cœur Simple », y incarne avec puissance et appétit un formidable Alexandre Dumas, face à son « nègre » le fluet Auguste Maquet, auquel on doit « les Trois mousquetaires » et tant d’autres chefs-d’œuvre. Sidérant et jubilatoire.

Paris est une fête ! 

TELERAMA’   Sortir Grand Paris

18 octobre 2018

Un cœur simple                    Jusqu’au 3 novembre 2018 – Théâtre de Poche-Montparnasse

A-t-elle rencontré le rôle de sa vie ?

Celui vers lequel la portaient son expérience et sa maturité ?

A observer les noces qui unissent sur la scène la comédienne Isabelle Andréani au personnage de Félicité, héroïne du récit de Flaubert, on se dit que ce rendez-vous allait de soi.

Entre l’actrice et la servante existe une même humanité. Une identique humilité. Celle d’Isabelle Andréani, qui sert en officiante zélée les phrases et le propos de l’auteur, celle de cette bonne du XIXe qui parle des coups durs comme des joies de la vie avec les mots vrais d’un cœur qui ne sait pas tricher.

Nous entrons à leur suite dans le monde d’en bas, là où s’active une domestique aimant avec force ceux qui l’aiment, sans attendre plus que le peu qu’on lui donne. Félicité n’est pas une âme innocente, mais une femme exemplaire de tenue et de dignité. Chaque mot de Flaubert l’affirme.

Chaque regard de l’actrice le soutient.

Belle leçon de grandeur.

PublikArt – Webzine Culturel

Par     Stanislas Claude   Oct 28, 2018

Un beau moment de grâce avec Un coeur simple au Théâtre de Poche Montparnasse

Un Coeur simple est rien de moins que la pièce du mois d’octobre, tout simplement. Isabelle Andréani occupe la scène, elle hypnotise et elle envoute. Dans le rôle apparemment ingrat de Félicité, femme de devoir qui s’accommode de la frustration apparente de sa vie de servante dévouée, elle voit pourtant des raisons d’être simplement heureuse là où d’autres maugréeraient dans des récriminations sans fin. Avec une économie de moyen qui s’illustre par ces objets chiches sortis de sous une estrade en bois, Félicité raconte sa vie, les gens qui l’ont côtoyé, les enfants de sa maîtresse, son neveu, les petites joies qui en deviennent des grandes et les grandes peines qu’elle surmonte grâce à son caractère entier. Une pièce de théâtre saluée par une salve d’applaudissements finaux nourris de bravos cent fois mérités. Un grand moment de théâtre à découvrir au Théâtre de Poche Montparnasse.

Une pièce sans hypocrisie et sans subterfuges. 

Beaucoup d’anciens adolescents ont lu 3 Contes de Flaubert au collège. Un cœur simpleLégende de Saint Julien l’Hospitalier et Hérodias ont ennuyé ou au contraire charmé ceux qui les ont lus. La première histoire ravive un temps pas si ancien où tant d’êtres dans l’indigence se sont mis au service de grands bourgeois fortunés, dans l’ombre mais pas sans acquérir une place centrale. A l’instar de la dialectique du maître et de l’esclave chère à HegelUn coeur simple raconte le destin sans ampleur d’une femme qui se raccroche aux éléments de son quotidien pour créer de la joie. Les enfants de ses proches, le rythme inlassablement répété de ses tâches ménagères, Loulou le perroquet rouge aux ailes turquoises, tous lui apportent ce supplément de vie sans quoi elle ne se verrait pas exister. Et Isabelle Andréani interprète magnifiquement à elle seule ce destin de femme de rien qui devient l’héroïne d’une nouvelle d’un des plus grands auteurs du XIXe siècle. Et certains se diront qu’il est surprenant qu’une telle histoire rencontre un tel succès au début du XXIe siècle. Car durant 1h10, aucune trace d’insignifiance ne transparait dans un récit si peu de notre temps. Même si les rumeurs du village normand rappelleront les unes futiles des sites internet de médias occidentaux souvent proches du vide, l’existence de Félicité est celle d’une terrienne, certes peu éduquée mais au coeur sensible et fragile aux attaques du dehors. Cette sensibilité touche le public en plein coeur durant tout le spectacle. Félicité ne critique pas, ne fait pas de jugement hâtif et ne condamne pas. Elle sait l’importance du respect mutuel pour permettre le vivre ensemble. Isabelle Andréani prête certes quelques mots flagorneurs ou caricaturaux aux différents personnages qui évoluent autour de Félicité, attisant quelques éclats de rire bienvenus pour quitter une certaine pesanteur récurrente, l’héroïne a tout d’une sainte au coeur d’une époque nichée entre l’épopée napoléonienne et les révolutions du XIXe siècle. Et à la fin, ce que le discours final de l’actrice souligne aussi bien, c’est surtout le sentiment d’une juste célébration du destin de femmes de rien qui ont contribué à la vie des familles au XIXe siècle qui ressort. De quoi faire du bien dans notre époque par trop anxiogène et jonchée de quêtes loin de la vérité du personnage de Félicité.

Un coeur simple se joue encore pour quelques semaines au Théâtre de Poche Montparnasse avant quelques reprises aux dates à voir sur le site internet du théâtre. C’est le moment de réserver sa place pour admirer la performance d’une comédienne aussi honnête et droite que le personnage qu’elle interprète. Et ça fait du bien.

L’Oeil  d’Olivier

Un cœur simple, le portrait sensible et humain d’une femme modeste

Olivier Frégaville-Gratian d’Amore 2 novembre 2018 ChroniquesThéâtre

Au Poche-Montparnasse, Xavier Lemaire et Isabelle Andréani insuffle avec délicatesse la vie au Cœur simple de Flaubert

En quête d’amour et de tendresse, Félicité s’entiche d’un perroquet au corps rouge, aux ailes bleus © Photo Lot                 Avec truculence et générosité, Isabelle Andréani est cette servante modeste que Flaubert décrit si bien © Photo Lot

Sans cri, sans heurt, la vie défile avec son lot de vicissitudes, de peines et de joies. En adaptant le conte réaliste de Flaubert, Xavier Lemaire et Isabelle Andreani rendent un hommage vibrant à nos arrières grands-mères, à ces femmes rustiques, modestes, qui avaient de l’amour à revendre, qui se satisfaisaient de peu. Une plongée saisissante dans la France rurale du XIXe siècle, portée par une comédienne rare, bouleversante.

Félicité (éblouissante Isabelle Andréani) n’a pas de chance, elle attire les mauvais coups du sort. Orpheline, naïve, candide, cette fille de ferme accorte a le mauvais goût de plaire à son patron. Ne voulant pas d’histoires, refusant toutes les avances tenant plus que tout à son honneur, elle cherche une place ailleurs. Enamourée d’un beau jeune homme, qui après lui avoir fait gentiment la cour, la laisse seule sur le bord de la route, elle finit par entrer au service de madame Aubain, une riche propriétaire, veuve, austère et sèche. Cette rudesse convient parfaitement à sa simplicité, à son naturel sans fard, à sa conception presque ascétique de la vie.

Pourtant, Félicité est ce qu’on appelle une belle nature, en quête d’amour, de compassion, elle a de la tendresse à offrir, à donner sans contrepartie aux autres. Rapidement, elle s’attache aux enfants de sa maîtresse, le beau Paul, la délicate Virginie. Elle les aime de tout son cœur. Elle s’en occupe avec diligence et affection. Vieille fille, elle se prend d’une passion maternelle pour son beau neveu Victor. Elle lui cède tout, fait tout ce qu’elle peut pour le rendre heureux. Enfin, elle s’entiche d’un perroquet aux mille couleurs, mais le sort s’acharne, les peines redoublent, rien ne lui sera épargné. Tous les gens qui comptent pour elle meurent ou s’éloignent. Rien n’y fait, rien n’entame son humeur toujours égale. Si colère et souffrance bouillonnent dans son corps, jamais elle ne les exprime. Elle traverse la vie avec bonhomie, aménité sans jamais se plaindre. Elle force le respect. Afin que le récit ciselé, touchant de cette femme au cœur simple prenne chair, Xavier Lemaire et Isabelle Andréani ont pris le parti d’adapter à la première personne le conte de Flaubert. S’emparant de sa plume charnelle, féroce autant que tendre, ils entraînent le spectateur au cœur du XIXe siècle, de sa société provinciale corsetée dans des principes compassés et livrent le portrait vrai, sensible d’une servante sans prétention qui pourrait être l’une de nos ancêtres. Dans un décor dépouillé – juste quelques planches de bois symbolisent la maison de Madame Aubain – , usant de peu d’accessoires pour créer l’atmosphère nostalgique, Isabelle Andréani se glisse avec toute sa fougue, sa délicatesse, dans la peau de Félicité. Elle lui offre sa silhouette généreuse, sa douceur, sa force vitale. Jamais caricaturale, toujours juste, elle livre une interprétation sans fioriture qui touche au cœur, parle à l’âme. Refusant tout pathos, la comédienne célèbre ici la vie avec ses joies et ses peines. Truculente, bouleversante, elle est cette fille de campagne à l’existence finalement si banale, au quotidien rythmé uniquement par les tâches de la maison.

Séduit par cette relecture captivante de ce texte de Flaubert que souligne si bien la mise en scène tout finesse de Xavier Lemaire et le jeu subtil d’Isabelle Andréani, le public quitte un temps le Paris du XXI e siècle pour la Normandie du XIXe et se laisse prendre, envoûter par ce destin de femme singulier, commun. Un pur moment d’émotion !   Par Olivier Frégaville-Gratian d’Amore

https://critiques-theatres-paris.blogspot.com/2018/11/un-coeur-simple-gustave-flaubert-poche.html?fbclid=IwAR1AlB_0OVu3U52o-h7e0md6bSao8VEIRfIPbwlsa27UoY_1vpIA8Mw7oH0

UN COEUR SIMPLE GUSTAVE FLAUBERT POCHE

Dans la petite salle du théâtre de Poche-Montparnasse, fauteuils rouges et murs noirs, nous prenons place et l’endroit se remplit vite, le spectacle a du succès… et c’est mérité !

Elle arrive, elle déboule plutôt d’un pas rapide… toute droite sortie du pays d’Auge, de notre chère Normandie et le monologue va commencer pour notre plus grand plaisir. Il est basé sur l’œuvre de Gustave Flaubert qui avec délicatesse, précision, style, va décrire la vie quotidienne d’une servante, femme à tout faire, dévouée corps et âme à sa maîtresse.

Flaubert a trouvé le mot juste, ce qui donne à son récit beaucoup de force. On comprend la vie des petites gens, méprisés et exploités. Comme l’écrit Flaubert : « Plus l’expression se rapproche de la pensée, plus le mot colle dessus, et plus c’est beau ».

Et vraiment, c’est très beau. Isabelle Andréani est Félicité.

Elle interprète parfaitement le personnage, c’en est même troublant.

Un texte magnifique, justement interprété, un spectacle à ne pas manquer.  

Un cœur simple de Gustave Flaubert, mise en scène Xavier Lemaire, avec Isabelle Andréani, du mardi au samedi à 19h au théâtre de Poche Montparnasse, réservation au 01 45 44 50 21 et site Internet. (Un cœur simple fait partie de recueil de 3 nouvelles Trois contes)

Publié le 1er nov 2018     par Philippe Chavernac

ZONE CRITIQUE

FAISONS LE PARI DE LA CULTURE Spectacles

La simplicité comme mot d’ordre      Posted by Jeanne Pois-Fournier                                                                                                 samedi 13 octobre 2018

La prose mélodique et pittoresque de Flaubert est à entendre et à voir sur les planches du théâtre de Poche-Montparnasse avec la brillante mise en scène d’Un Cœur simple, par Xavier Lemaire, avec Isabelle Andréani.

Paru en 1877, dans le recueil Trois ContesUn Cœur simple est peut-être le texte le plus bouleversant de Flaubert. Situé dans la Normandie du XIXe siècle, ce récit raconte l’histoire tragique d’une fille de campagne à la fois servante et sainte, écrasée par la vie.

Délaissée par un amour de jeunesse, Félicité entre au service de Madame Aubain, une bourgeoise corsetée et autoritaire. Elle s’occupe des tâches ménagères et chérit les enfants de sa maîtresse, Paul et Virginie, et son neveu Victor. Mais chaque personne dont elle se prend d’affection est vite emportée par la maladie : Victor meurt de la fièvre jaune à la Havane, puis une fluxion de poitrine achève Virginie, à la santé si fragile. Plusieurs années passent, le dévouement de Félicité ne tarit pas, au contraire. Elle s’entiche d’un perroquet nommé Loulou dont on lui a fait cadeau. À sa mort, elle décidera de l’empailler pour le conserver toujours près d’elle. La nouvelle s’achève sur l’agonie de Félicité, ayant contractée une pneumonie, et son ultime vision : « un perroquet gigantesque » dans les cieux.

De ce récit inoubliable, saisissant de « simplicité », Isabelle Andréani tire une adaptation fidèle et vivante. Le narrateur de Flaubert laisse place à un récit à la première personne, le « je » de Félicité, sans rien perdre de son empathie, et Isabelle Andréani excelle dans le rôle de la servante dévouée et « tendre comme du pain frais ». Elle s’adresse à nous avec autant de générosité que son personnage. Et, tout comme Félicité qui représente pour la France des petites gens un exemple héroïque, elle fait preuve d’une puissance théâtrale édifiante.

L’incarnation de la sainteté

Sur scène, entre trois niveaux de plancher qui servent à la fois de chambre, de sanctuaire et de terrain de jeux, Isabelle Andréani comble tous les espaces, créent tous les accessoires, imitent, si besoin, la réplique de Madame Aubain, du perroquet.

Sur scène, entre trois niveaux de plancher qui servent à la fois de chambre, de sanctuaire et de terrain de jeux, Isabelle Andréani comble tous les espaces, crée tous les accessoires, imite, si besoin, la réplique de Madame Aubain, du perroquet. Ses sabots heurtent le sol avec fracas, ses mouvements rapides s’enchaînent comme autant de tâches ingrates qui incombent aux domestiques. On pourrait croire que Félicité est une femme de bois, qu’elle a été programmée. Mais sa bonté ne peut que nous émouvoir car elle est rare, presque impensable. Et ses échappées de folie – par exemple, lorsqu’elle trouve une ressemblance entre le Saint-Esprit et son perroquet – la rendent encore plus touchante. Elle pense comme elle peut, elle pense autrement.

C’est aussi un texte où le statut de la femme et de la femme pauvre sont au cœur de l’écriture de Flaubert. Contrairement à Madame Bovary qui tente de vivre un amour inassouvissable, Félicité explore le plus simple de la relation à autrui : elle donne son amour et elle reçoit peu. Elle est une sainteté contemporaine, dont les mots chargés d’humanité font un bien fou

CRITIQUE DES ÉVÉNEMENTS CULTURELS

THÊATRE-SPECTACLES  Un coeur simple

Flaubert dans son réalisme simple et attachant

par JEAN RUHLMANN

Publié le 22 oct. 2018

RECOMMANDATION

Excellent

THÈME

Dans la première moitié du XIXe siècle, on suit le destin de Félicité, fille de ferme devenue domestique pour le compte de madame Aubain, une veuve de la moyenne bourgeoisie normande, l’action se situant à Pont-l’Évêque, de la Restauration jusqu’à la fin de la Monarchie de Juillet.

Premier des Trois contes de Flaubert, Un cœur simple creuse la psychologie d’une femme devant faire face à la perte de tout ce à quoi son cœur s’est s’attaché sans calcul, au fil de son existence : la fille de sa maîtresse, son neveu Victor, divers personnages du petit monde de Pont-l’Évêque et, pour finir, le perroquet Loulou, un des seuls êtres parvenant encore à la faire rire…

POINTS FORTS

  • Dans cette proposition théâtrale, l’essentiel repose sur la comédienne seule en scène, et Isabelle Andréani ne se contente pas d’interpréter une Félicité dynamique et toute en émotion, elle a également adapté le texte de Flaubert, en le faisant passer du style direct à la première personne, ce qui concourt à dynamiser le récit et à placer Félicité plus encore au centre du conte.
  • La mise en scène de Xavier Lemaire – notamment son choix d’installer des podiums de tailles et d’orientations différentes – se révèle tout à fait judicieuse pour matérialiser les lieux (ouverts ou clos) et les situations vécues par Félicité. C’est a priori une contrainte physique pour les mouvements de la comédienne, que Lemaire a voulu extrêmement mobile sur scène.
  • Isabelle Andréani surmonte ces obstacles et parvient à évoluer entre eux avec souplesse et rapidité, de sorte que, loin de constituer des artifices, ils sont tous maîtrisés et exploités dans le sens du propos de la pièce, qui n’oublie pas de suggérer sans jamais appuyer, les barrières sociales et les différences de comportement existant entre la domesticité et le monde des maîtres que Félicité côtoie.
  • Le choix de Schubert pour l’accompagnement musical de la pièce est particulièrement opportun pour scander les joies et les épreuves rencontrées par Félicité.

POINTS FAIBLES

Il faut bien convenir que, de l’affiche au baisser de rideau, il n’y a rien à redire …

EN DEUX MOTS …

Une adaptation de Flaubert fine et sensible à l’image de Félicité, chatoyante à l’instar du plumage de son perroquet Loulou !

UN EXTRAIT

« Il s’appelait Loulou. Son corps était vert, le bout de ses ailes rose, son front bleu, et sa gorge dorée… J’entrepris de l’instruire ; bientôt, il répéta : “Charmant garçon ! Serviteur, monsieur ! Je vous salue, Marie !“ Plusieurs s’étonnaient qu’il ne répondît pas au nom de Jacquot, puisque tous les perroquets s’appellent Jacquot. On le comparait à une dinde, à une bûche : autant de coups de poignards pour moi ! Étrange obstination de Loulou, ne parlant plus du moment qu’on le regardait ! »

L’AUTEUR

On ne présente plus Gustave Flaubert (1821-1880), figure majeure de la littérature française du XIXe siècle, associé au courant dit “réaliste“ qu’il promeut avec Madame Bovary (1857), puis dans L’éducation sentimentale (1869), avec des échappées orientalistes (Salammbô, 1862) qui témoignent de la puissance littéraire et de la capacité de travail hors normes de cet écrivain.

Dans Un cœur simple (1877), l’une de ses dernières œuvres, Flaubert propose un conte qui s’enracine dans une Normandie que ce natif de Rouen et petit-fils d’un médecin de Pont-L’Évêque connaît bien. Il s’attache à de simples figures du peuple, jusque là largement négligées par les écrivains ; sous la plume de Flaubert, les humbles deviennent des figures littéraires centrales, ainsi chez les frères Goncourt ou Zola, ses amis et admirateurs, qui le retrouvent pour d’interminables discussions dans les salons littéraires ou les cafés des Grands boulevards…

      Spectatif.COM        

UN CŒUR SIMPLE au théâtre de Poche-Montparnasse                12 Octobre 2018

Quand la parole d’une fille du peuple, d’origine paysanne de surcroit, émerge même pudiquement, un contentement surpris et fier vient accompagner l’écoute de ses propos.

« Pour cent francs par an, je faisais la cuisine et le ménage, cousais, lavais, repassais, savais brider un cheval, engraisser les volailles, battre le beurre, et restai fidèle à ma maîtresse, qui cependant n’était pas une personne agréable… »

Quand cette parole sait se faire tendre ou tonique, précise et généreuse, son écoute touche au cœur. Tout simplement, dans l’humilité de son récit aussi noble que dépouillé et si instructif sur les conditions de vie de la domesticité pauvre et dévouée, toujours à la peine, en cette fin de 19èmesiècle.

« Paul et Virginie, l’un âgé de sept ans, l’autre de quatre à peine, semblaient formés d’une matière précieuse ; je les portais sur mon dos comme un cheval ; et Madame Aubain me défendit de les baiser à chaque minute, ce qui me mortifia. Cependant je me trouvais heureuse… »

Oui, elle est généreuse Félicité. Elle fait don de soi autant par bonté que par ignorance.

« J’avais eu, comme une autre, mon histoire d’amour… » « … Le moment arrivé, je courus vers mon amoureux. À sa place, je trouvai un de ses amis. Il m’apprit que je ne devais plus le revoir. Pour se garantir de la conscription, Théodore avait épousé une vieille femme très riche, MmeLehoussais, de Toucques. »

Sa capacité de résilience à ses tourments remplace la résignation blessante à chaque refus, la frustration rebondissante à chaque travers et la privation de joies personnelles, intimes ou sociales. Son affection et son amour sont ses preuves de vie.

Une histoire simple pour un cœur simple, qui témoigne de la dureté de la vie des gens pauvres, beaux dans leur combat pour vivre ou survivre, heureux et tristes à la fois, que Flaubert a si bien décrite.

À partir d’une nouvelle du grand écrivain, parue dans le recueil « trois contes » en 1877, Isabelle Andréani signe une adaptation théâtrale pour une comédienne, de belle facture, digne et d’une précision ciselée. Sa Félicité est heureuse de nous confier son récit, de nous aider à le faire nôtre, à nous en émouvoir simplement mais irrémédiablement.

La mise en scène de Xavier Lemaire est adroite, vive et calée au cordeau. Les ruptures et les sursauts, les silences et les pauses du récit comme les propos et les mouvements du personnage sont rythmés et distillés avec un raffinement et une précision d’orfèvre qui nous tiennent en haleine, tendus vers l’écoute et l’observation, impatients de découvrir la suite de cette histoire captivante.

Mais la beauté du spectacle éclot pleinement grâce à l’interprétation incarnée, lumineuse et sincère de Isabelle Andréani. Une comédienne époustouflante. Sa sensibilité touche à la délicatesse, sa puissance de jeu à l’entièreté de son engagement. Elle porte toutes les facettes de son personnage avec un brillant talent. Elle est Félicité ou plutôt Félicité c’est elle, je ne sais pas, je ne sais plus.

Cette adaptation réussie est bienveillante et bienfaisante. L’interprétation y est magistrale et poignante. Ce spectacle est une perle admirable que j’ai plaisir à recommander.

Spectacle vu le 11 octobre 2018,

Frédéric Perez

par Ton That Thanh Van                                          11 octobre 2018

Isabelle Andréani a adapté cette nouvelle de Flaubert et à travers ce personnage fictif, a voulu rendre hommage à toutes ces femmes de l’ombre injustement oubliées par la grande Histoire et qui ont rarement droit de cité littéraire. En lui prêtant ses grands yeux qui tantôt s’attristent, tantôt s’émerveillent, sa voix et surtout son corps bien en chair, à l’étroit dans ses habits de femme du peuple, elle incarne dans tous les sens du terme cette « servante au grand cœur » chère à Baudelaire et aussi attachante que la niania de Pouchkine ou la Françoise de Proust (un de ses modèles, Céleste Albaret a rédigé ses mémoires sur « Monsieur Proust »). Pendant un peu plus d’une heure, une vie défile sous nos yeux, de l’enfance jusqu’à la mort, alors que le temps semble épargner cette grande petite fille trop vite grandie (« qui a vingt-cinq ans en paraissait déjà quarante ») et marquée par les épreuves de l’existence, l’abandon, les deuils.

Sur une petite scène dont l’éclairage intimiste varie, dans un décor minimaliste (une barre, un drap tendu ou battu avec rage dans d’intenses moments de désespoir) avec quelques objets (une robe de petite fille, un jouet d’enfant, un perroquet empaillé) et des planchers de niveaux différents, légèrement inclinés. Félicité les frotte, à genoux, comme les personnages de Caillebotte et ressemble parfois aussi à La Laitière de Vermeer, figure pleine de bonté maternelle, protectrice et nourricière, alors qu’elle est une éternelle affamée d’amour. Ces planchers sont autant de petites scènes correspondant à des moments de vie, aux étapes d’un calvaire humble et presque silencieux.

Dans cette transposition à la première personne qui fait entendre les nuances et les richesses de la prose flaubertienne, Félicité au nom plein de résonance ironique, occupe une place encore plus centrale que dans la nouvelle, alors qu’elle ne maîtrise pas son destin. Malgré la lourdeur de sa robe et de ses sabots, elle court, elle s’agite, occupe tout cet espace limité comme un oiseau en cage et son corps maladroit et éloquent révèle ses états d’âme. Comme Charles Bovary, elle aussi pourrait dire : « C’est la fatalité ». Pourtant elle garde l’amour, l’espérance et une foi lumineuse. Autour d’elle tous les personnages gravitent qu’elle interprète en changeant de voix : le viril séducteur Théodore, Mme Aubain un peu condescendante et même le perroquet Loulou à la voix chevrotante. C’est seulement après sa mort que le narrateur reprend ses droits alors que resplendit l’image du perroquet qui se confond avec le Saint-Esprit.

Ce beau portrait de femme à valeur allégorique malgré un point de départ extrêmement réaliste, nous fait découvrir un esprit naïf, une âme candide et un cœur simple car pur. Cette écriture de la perte des êtres chers (successivement parents, fiancé, neveu, la petite dont elle s’occupe, sa patronne) explore les méandres des souffrances souvent discrètes et silencieuses et loue la foi enfantine des humbles (ceux que Hugo appellent les misérables) et des petits, sans jamais basculer dans le pathétique (la musique est discrète) ni le grotesque, ce qui n’exclut pas certains moments pleins de tendresse et d’humour (comme l’épisode héroïcomique du taureau).

Solitude et compassion, émotions à fleur de peau : Félicité, c’est elle.

D’après Gustave FlaubertMise en scène Xavier Lemaire. Scénographie Caroline Mexme Avec Isabelle Andréani. Production Les Larrons

DE LA COUR AU JARDIN Des critiques, des interviews webradio.

CRITIQUE                          Un coeur simple              11 OCTOBRE 2018

Rédigé par Yves POEY et publié depuis Overblog

Plus simple, le cœur de Félicité, ça ferait trop !

Mais attention, cette simplicité résonne ici presque comme un compliment.
Félicité, la servante de Mme Aubin, elle est simple. Elle est gentille, elle est brave.
Pas méchante pour un sou, n’allant pas chercher midi à quatorze heures, toujours positive malgré les mauvais coups de la vie. Dure au travail, aussi. Je ne serais pas plus étonné que cela que Emile Pinchon, le père de Bécassine, se soit inspiré de l’héroïne de la nouvelle écrite par Gustave Flaubert.

L’auteur de Madame Bovary nous décrit ici en détail la vie d’une sans-grade, d’une modeste employée de maison. Une gentille fille normande du XIXème siècle.
Une représentante de la France-d’en-bas de l’époque. Un membre de l’étage inférieur d’un Downtown Abbey pontépiscopien.

Elle n’a jamais su lire et écrire, devant garder les vaches dès sa plus tendre enfance.

Isabelle Andréani a adapté cette nouvelle, notamment en utilisant la première personne du singulier.
La comédienne ne jouera pas ce personnage. Non. Elle sera purement et simplement cette Félicité, la rendant on ne peut plus attachante.

Mise en scène par Xavier Lemaire, elle apparaît en corsage blanc, longue jupe bleue qui laisse entrevoir des jupons rouges, des bas de laine naturelle et des sabots.
Aucun décor, si ce n’est quelques éléments de plancher à différentes hauteurs.

Le texte et l’interprétation du rôle suffiront bien.

La comédienne parvient immédiatement et sans peine à nous rendre dépendants de sa parole. J’étais suspendu à ses lèvres.
Elle va se dépenser sans compter ! Avec une énergie et une vivacité phénoménales, elle courra souvent autour de ces lattes de bois, bondissant et tombant parfois dessus.
Elle va se montrer remarquable et lumineuse ! A tel point que je me suis souvent dit que ce texte était écrit pour elle.

Ce sera un pur bonheur que de la voir nous conter les aventures de Félicité, simples elles aussi, mais en même temps sublimes.
Car ici, Melle Andréani réussit à sublimer cette simplicité voulue par Flaubert, la rendant à la fois exemplaire et extra-ordinaire.
Des moments apparemment anodins sont décrits et dits avec une force étonnante, comme la charge d’un taureau, une promenade, les occupations de Paul et Virginie les enfants de la maison, ou encore la rencontre avec Loulou le perroquet…
Isabelle Andréani nous dépeindra également avec une belle acuité d’autres personnages, un amoureux entreprenant tirant sur sa bouffarde, un cocher vindicatif, une maîtresse de maison condescendante, un avoué aux mystérieuses occupations avec la précédente…A chaque fois, elle nous propose des petits tableaux de vie d’un étonnant réalisme.
La comédienne nous fera beaucoup rire, (les scènes avec le perroquet sont jubilatoires), jouant à la perfection le « bon sens près de chez vous », imitant parfois l’accent normand, traînant les « a ».
Elle sera également bouleversante, avec plusieurs fois les larmes aux yeux.
La dernière scène est magnifique. La simplicité tutoie le grandiose.
Voulez-vous que je vous dise ?
C’est un spectacle qui fait du bien. Un spectacle qui raconte une vie, en apparence modeste et simple, d’une héroïne ordinaire.Et qui décrit de manière éclatante une qualité de plus en plus passée sous silence : la bonté.

R42, culture gourmande !

Un peu de tout mais beaucoup de culture et de gourmandise pour tout

Depuis l’adolescence, j’étais fâchée avec Flaubert mais depuis le ‘Madame Bovary adapté par Paul Emond’ déjà joué au théâtre de Poche, j’avais fait la paix avec l’écrivain et ce soir, j’en suis à avoir envie de le lire à nouveau…  Et c’est grâce à l’adaptation de la nouvelle ‘un coeur simple ‘par Isabelle Andréani.

C’est l’histoire de Félicité, une femme du XIX ème siècle. C’est Félicité elle-même qui raconte sa vie via la merveilleuse Isabelle Andréani seule sur scène. Félicité est née dans une famille pauvre, a perdu ses parents de bonne heure et s’est retrouvée employée de ferme chez divers fermiers de sa région normande, elle a fini par se fixer comme servante chez Madame Aubin et ses deux enfants : Paul et Virginie.

Félicité semble ne pas avoir d’âge, elle déroule tout le texte de la nouvelle en la racontant à la première personne du singulier. Je suis restée stupéfaite par l’acuité avec laquelle Flaubert a pu croquer la vie d’une simple femme peu éduquée de province, le texte est extrêmement prenant et très précis. On visualise facilement les divers endroits où passe l’héroïne. On ressent sa joie, ses tristesses… C’est comme si on était avec elle.

Sur la scène, divers carrés de planchers de différentes hauteurs sont disposés au sol, et Félicité va nous donner un rythme rien qu’en sautant de l’un à l’autre avec ses sabots rouges. Il faut dire que son enthousiasme fait plaisir à voir, même si je me suis inquiétée, à tort, de la voir chuter lors d’un de ces sauts. Isabelle Andréani dépense une belle énergie pour faire revivre Félicité sous nos yeux et elle utilise une vaste palette de sentiments. Elle ne lésine pas sur la dépense physique et c’est ce qui rend Félicité si vivante ! Oui, elle parle sans s’interrompre pendant 1h15 ! C’est la nature généreuse de Félicité qui est rejointe par celle de la comédienne !

La mise en scène de son complice Xavier Lemaire apporte fluidité et précision à l’ensemble. Ces deux-là n’en sont pas à leur première collaboration : Zig zag, Qui es-tu Fritz Haber ?…. Et ça se sent ! L’ambiance sonore m’a aussi charmée

Il y a là beaucoup d’éléments pour passer une bonne soirée et le public ne s’y est pas trompé car les ‘Bravo’ ont fusé dès le début des applaudissements.

Au Poche, jusqu’au 3 Novembre 2018

De Gustave Flaubert, adapté par isabelle Andréani, mis en scène par Xavier Lemaire et avec Isabelle Andréani.

https://www.radioclassique.fr/

Un cœur simple au théâtre de poche

Le 09 octobre 2018, écrit par  Arthur Barbaresi

Un cœur simple au théâtre de poche.

La simplicité, disait Georges Sand, est la chose la plus difficile à obtenir dans ce monde. Flaubert ne pouvait qu’approuver la citation de son amie proche à qui il dédie un Cœur simple, nouvelle tirée du recueil des Trois Contes paru en 1877. Cette question de la simplicité dans la création ne se borne pas au travail d’écriture mais concerne aussi la composition musicale. Le musicien Claude Debussy est aussi sensible à cette idée en considérant que l’extrême complication est le contraire de l’art.

La mise en scène minimaliste de Xavier Lemaire est loin de cette extrême complication. La musique de Schubert se mêle avec subtilité à celle de la langue flaubertienne. La puissance du verbe de l’auteur y est splendidement restituée par l’adaptation fidèle et l’incarnation généreuse d’Isabelle Andréani, qui occupe avec énergie un espace scénique dépouillé. La scénographie est sans artifice et aussi modeste que notre protagoniste. Des planchers en forme de croix évoquent le caractère mystique, christique d’un être dont la vie est marquée par le sacrifice et l’abnégation : Félicité serait-elle une sorte de Job au féminin ? Ce qui est sûr, c’est que son nom interroge. Se nommer Félicité quand on mène une vie de servitude et de dévouement semble être une ironie de l’écrivain…

Toute la narration de la pièce repose sur la puissance d’évocation des quelques accessoires qui ponctuent le monologue. Une épopée intime aux parfums de Normandie qui retrace également le contexte politique des premières décennies du XIX siècle. Un dépaysement. Flaubert nous plonge dans les tréfonds de l’âme de cette servante qui nous fait le récit de ses enthousiasmes et de ces chagrins, de ces petits riens qui font une existence humaine. Comme tout le monde, Félicité a été tourmentée par l’amour. Eprise d’un homme avec lequel elle ne se mariera finalement pas, elle devient la domestique de Madame Aubain à Pont-L’Evêque. Malgré les tourments qu’elles traversent, notre personnage conserve son innocence et sa pureté. Une mise en scène au service de la simplicité, c’est-à-dire de l’essentiel. Une adaptation simple qui a du cœur.

« Le Petit Rhapsode » (critiques théâtrales) / Richard Malgalditrichet        04/10/18

…et des papillons s’envolèrent de l’armoire…Un cœur simple est une nouvelle de Gustave Flaubert tirée du recueil Trois contes, publié trois ans avant sa mort. Celle-ci apparaît dans l’oeuvre de notre grand auteur comme une épure, un concentré de son style que certains trouvent ici à son apogée. Epure est également le terme qui convient exactement à la magnifique adaptation d’Isabelle Andréani, mise en scène par Xavier Lemaire.

L’histoire de Félicité, servante normande du XIXe siècle, ponctuée de chagrins, de deuils et de furtives joies, est à la fois émouvante, drôle, étonnante mais toujours terriblement humaine. Michel Tournier disait au sujet de la bonne : « Félicité est revêtue comme d’une armure de diamant par la simplicité de son coeur ». Ce spectacle en est l’illustration criante.

Dans une scénographie à la simplicité également à son image, le texte est mis en relief et nous captive, voire nous capture, et laisse apparaître tel un camée finement ciselé le visage d’Isabelle Andréani dans le rôle de la bonne toujours vaillante et courageuse. Son travail de comédienne est remarquable, sa bonhomie enjouée, son regard embué d’émotion rappelle le portrait de La Laitière de Vermeer. Experte, elle nous mène de bout en bout, nous fait découvrir le monde à travers son œil naïf mais toujours bienveillant. Reflet discret et résigné d’une Emma Bovary dans sa campagne normande, Isabelle Andréani nous offre une Félicité touchée par la grâce, avec laquelle nous ne pouvons que communier. Les papillons qui s’envolent à l’ouverture de l’armoire de l’enfant défunte sont comme les souvenirs qu’elle partage avec nous, tout en délicatesse et retenue.

Figure allégorique du monde du XIXe siècle, Félicité fait partie de ce peuple qui, déclarait Victor Hugo « a l’avenir, et qui n’a pas le présent ». Isabelle Andréani en est l’écho pour nous aujourd’hui et fait résonner, grâce à Flaubert, toutes les petites histoires et les petites vies qui nous ont façonné(e)s.

« Un cœur simple » de Gustave Flaubert, adaptation d’Isabelle Andréani,

mise en scène Xavier Lemaire; avec : Isabelle Andréani; Scénographie : Caroline Mexme

A partir du 2 octobre 2018 au Théâtre de Poche-Montparnasse

www.theatredepoche-montparnasse.com

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THEATRAUTEURS

Actualité théâtrale, chroniques          03/10/2018

Dernier des « Trois contes » et dernier ouvrage de Flaubert paru de son vivant en 1877, « Un cœur simple » est l’histoire de Félicité, fille de ferme normande qui deviendra  bonne à tout faire à Pont l’Evêque, chez Madame Aubain, qui la recrute sur un marché, comme on acquiert un nouveau bien.

L’histoire non pas tragique mais banalement triste de Félicité retrace la vie de milliers de jeunes femmes d’alors, souvent déracinées et se mettant ou étant mises à la disposition de familles plus ou moins fortunées.

Madame Aubain, bourgeoise, veuve désargentée est mère de deux enfants que Flaubert prénomme, comme pour s’amuser, Paul et Virginie, allusion au roman de Bernardin de Saint Pierre, modèle du roman du siècle précédent, comme un hommage du romancier type du XIXè à son grand prédécesseur.

Rappelons au demeurant que le roman « Paul et Virginie » tourne autour de la nostalgie du paradis perdu, et que cette notion du paradis, perdu ou à trouver, cette quête d’une paix que dans sa simplicité Félicité pourrait nommer « bonheur » est en filigrane dans ce « Cœur simple ». 

Le choix même du prénom de Félicité n’est pas anodin : issu du latin, signifiant chance, c’est un substantif qui signifie bonheur et joie. Notre Félicité fait mentir son prénom et reste une femme gentille et, pour être anachronique, assez soumise.

Dupée dans son unique histoire d’amour, elle va reporter sur les enfants Aubain, puis sur son neveu toute son affection et elle subira les départs successifs des êtres aimés, pour reporter son intérêt et ses sentiments sur Loulou, son perroquet chamarré.
 
Isabelle Andréani nous donne à voir, nous offre réellement, comme un divin présent, un personnage formidable de vie et d’humanité, riche de sentiments cachés, d’émotions retenues, d’amour inexprimé.

Elle est entrée dans la peau de Félicité et l’incarne comme rarement on voit un personnage être habité. Sa parfaite diction, la maîtrise absolue de son corps, de ses mouvements, de ses muscles, de son visage même confèrent à cette Félicité de roman une existence et une personnalité admirables.

Mise en scène, avec efficacité et intelligence par Xavier Lemaire, dans un espace scénique assez difficile, toujours en mouvement comme pour retracer la multiplicité des menues tâches ménagères qui épuisaient le personnel d’alors, soumis aux exigences de l’employeur, travaillant sept jours sur sept et devant être disponible 24h sur 24, Isabelle Andréani rend présente cette  Félicité ; elle est partout à la fois, esquisse le portrait  d’autres personnages, comme sur un tableau de Seurat, en pointillés, pour suggérer en nous laissant le troublant sentiment que l’on voit.

Flaubert, le cauchois rigide, le bourru assez peu ouvert, au fond, et plutôt refermé sur son œuvre et lui-même, ouvre ici grandes les portes de l’empathie à l’égard des « petites gens », ceux dont son disciple Maupassant fera plus grandement encore le tour tout au travers de son œuvre.

Ce « Cœur simple » témoigne parfaitement de son courant d’écriture, qu’il a voulu, et qu’on nommera, parce que la commodité veut toujours que nous nommions, le réalisme, lequel peut s’apparenter, comme un cousin à la mode paysanne, au naturalisme, plus dru, plus cru, d’un Zola qui viendra assister aux obsèques de Gustave, à Rouen, en 1880.
 
Dans son interprétation formidable, Isabelle Andréani parvient en une heure quinze à faire passer son personnage de la jeune femme dévouée et réservée à la femme âgée, mourant dans une vision du Saint Esprit colorée, miraculeuse, inopportune. Et c’est cette inopportunité, cette non convenance, qui doit nous amener à nous interroger sur la vie des autres, leur façon de voir le monde, d’y vivre, de le subir.

L’épiphanie que vit Félicité la place d’emblée au rang des personnages inoubliables. Cette illumination la grandit davantage, qui n’en fait pas pour autant une mystique, mais lui donne un caractère plus attachant encore dans sa simplicité.

Nous avons assisté à un spectacle total, sur un texte magnifique d’humanité et de vérité,  parfaitement adapté et restitué par son interprète.

L’exigence de qualité du Théâtre de Poche n’est une fois de plus pas démentie, et ce spectacle qui vient de commencer est de ceux dont on se dit que le rater serait gâcher une merveilleuse occasion de bonheur, un bonheur inquiet, face à une belle âme. 

Frédéric ARNOUX ©

5/10/2018